petit, Annette avait la tête perdue. Ne comprenant pas qu’on s’adressât à elle, et non à son mandataire, elle fit envoyer les papiers, sans les lire, au notaire, qui ne les lut pas davantage ; et pour cause ! « Il courait encore… » Lorsque enfin la guérison de son fils lui laissa l’esprit assez libre pour examiner la situation, la procédure judiciaire était si avancée que, faute pour Annette d’avoir satisfait aux demandes des créanciers, ceux-ci avaient obtenu le droit de faire mettre en vente les immeubles hypothéqués. Annette, réveillée de son engourdissement, fit face à ce coup foudroyant ; son énergie, en un instant retrouvée, et l’intelligence pratique, héritée de son père, suppléant à son inexpérience, elle lutta avec une vigueur et une clarté d’esprit, que le juge admira, tout en lui donnant tort : car son bon droit n’empêchait pas qu’en droit, sa cause ne fût mauvaise. Annette elle-même vit promptement qu’elle était perdue d’avance ; mais son instinct de combat, qui admettait de sang-froid la défaite, même injuste, ne l’admettait pas sans résistance. Il s’agissait d’ailleurs, maintenant, du bien de son enfant. Elle le défendit, pied à pied, avec la ténacité d’une rude et fine paysanne qui, plantée des deux jambes à l’entrée de son champ, barre le chemin aux intrus, et même sachant qu’ils entreront, cherche à gagner du temps. Mais que pouvait-elle ? Dans l’incapacité de payer la dette exigible, et ne voulant pas demander l’aide de parents ou d’anciens amis qui, très probablement, la lui eussent refusée, d’une façon humiliante, elle ne pouvait faire opposition à la vente. Toute son énergie ingénieuse et opiniâtre ne réussit qu’à obtenir la suspension, pour un temps limité, de la poursuite en expropriation, sans aucun espoir d’en empêcher l’effet, au bout du bref délai.
Annette eût été excusable de se montrer abattue par cette catastrophe. Sylvie, qui n’était pas personnellement atteinte, tantôt se répandait en lamentations, tantôt ne décolérait pas, et parlait de faire des procès, des procès,