Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/65

Cette page n’a pas encore été corrigée

Paris, comme on l’y avait engagée, elle avait donc été coupable envers l’enfant ! Elle se jugea impitoyablement. Cet arrêt eut du moins l’avantage de limiter le champ de sa responsabilité, en écartant les autres remords.

À la première nouvelle, Sylvie était accourue, et le petit malade ne manquait pas de soins. Mais Annette, refusant de laisser sa place, prenait à peine de repos et resta sur la brèche, pendant des jours, des nuits, des jours… Les sueurs du petit corps et ses étouffements brûlaient, mouillaient sa chair. Le mal les pétrissait tous deux en une pâte. L’enfant semblait s’en rendre compte : car aux instants où la peur de l’accès de toux contractait ses flancs, son regard se posait, lourd de reproches et d’appel, sur le regard de la mère ; il avait l’air de dire :

— Il va me faire mal encore ! Voilà qu’il revient ! Sauve-moi !

Et elle lui répondait, en le serrant contre elle ;

— Oui, je te sauverai ! N’aie pas peur ! Il ne te prendra pas.

L’accès venait cependant ; et l’enfant s’étranglait. Mais il n’était pas seul, elle se crispait avec lui, pour briser le lacet ; il sentait qu’elle luttait, qu’elle ne l’abandonnerait pas, la grande protectrice ; et le son assuré de sa douce voix, et la pression de ses doigts, lui donnaient confiance, lui disaient :

— Je suis là.

Pleurant et frappant l’air de ses petits bras, il savait :

— Elle le battra.

Et elle le battit, l’Innommable. Le mal cédait. Le lacet se desserrait. Et l’enfant, palpitant, de son petit corps d’oiseau, s’abandonnait aux mains qui l’avaient sauvé. Qu’il faisait bon respirer, tous deux, après cette plongée ! Le flot d’air qui coulait par la bouche de l’enfant baignait la gorge de la mère et gonflait ses deux seins de volupté glacée.