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douter. L’oppression montait, le souffle s’accélérait. Et, dans une quinte de toux, l’enfant s’éveillant, pleura, Annette sauta du lit. Elle prit l’enfant dans ses bras. Il brûlait ; sa face était pâle, ses lèvres violacées. Annette s’affola. Tante Victorine, appelée, ajouta son émoi. Précisément ce jour-là, le téléphone était interrompu, pour des réparations ; et l’on ne pouvait communiquer avec le médecin. Pas de pharmacie aux environs. La maison de Boulogne était isolée ; la domestique se montrait peu disposée à courir, par les rues désertes, à cette heure de la nuit. On devait attendre au matin. Et le mal s’accentuait. Il y avait de quoi perdre la tête ! Annette en était bien près. Mais comme il ne le fallait point, elle ne la perdit point. La tante, geignante, tournait comme une mouche sous un globe de lampe. Annette lui dit durement :

— Cela ne sert à rien de gémir ! Aide-moi ! Ou si tu n’es bonne à rien, va dormir et laisse-moi ! Seule, je le sauverai.

Et la tante, médusée, retrouva son sang-froid ; sa vieille expérience, observant le malade, écarta des appréhensions d’Annette la plus terrible : celle du croup. Annette gardait un doute ; peut-être, la tante aussi. On peut toujours se tromper. Et si ce n’est le croup, il est tant d’autres mortelles étreintes ! De ne pas les connaître ajoute encore à l’effroi… Mais que le cœur d’Annette fût ou non glacé de terreur, ses mouvements étaient calmes et juste ce qu’ils devaient être. Sans savoir, mue par le seul instinct maternel, elle faisait exactement le meilleur pour l’enfant : (le médecin le lui dit, le lendemain) ; elle ne le laissait pas étendu longtemps, elle le changeait de place, elle combattait les suffocations. Ce que ni l’expérience ni la science ne pouvait lui enseigner, son amour le lui dictait : car elle souffrait ce qu’il souffrait. Elle en souffrait davantage. Elle s’en regardait responsable…

Responsable ! La tension d’une épreuve, surtout d’une maladie frappant un être aimé, provoque souvent un