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Dans l’après-midi ils sortirent, chacun de son côté. Marc regardait sa mère s’éloigner. Il était partagé entre des sentiments contraires : il l’admirait, irrité… La femme lui échappait ! La femme : toute femme. À des moments, si proche ! À d’autres, si lointaine ! Une race étrangère… Rien n’y est pareil à nous. On ne sait pas ce qui s’y passe, ni pourquoi elle rit, ni pourquoi elle pleure. Il la dédaigne, il la méprise, il la déteste, — et il en a besoin, et il languit après ! Il lui en veut, de cette obsession. Il l’aurait bien mordue, — cette nuque de trottin qui passait, — comme il avait mordu le poignet de Noémi, (comme il aurait voulu le mordre : jusqu’au sang !) — À ce brusque souvenir, son cœur surpris bondit. Il s’arrêta, tout pâle, et cracha de dégoût.

Il traversait le Luxembourg, où de jeunes hommes jouaient. Il les regarda, envieux. Le meilleur de lui-même, de ses secrets désirs, allait vers l’action virile, l’action sans amour, sans femmes, le sport, les jeux héroïques. Mais il était débile : l’injuste sort, sa maladie d’enfance, l’avaient mis, en face de sa génération, dans un état d’infériorité. Et la vie sédentaire, les livres, les rêveries, la société de ces femmes — (les deux sœurs) — l’avaient empoisonné de ce venin d’amour, communiqué par sa mère, par sa tante, par le grand-père, tout ce sang des Rivière. Il eût voulu le faire couler, ce sang, s’ouvrir les veines ! Ah ! comme il les jalousait, ces jeunes hommes aux beaux membres, vides de pensée, pleins de lumière !

Toutes les richesses qui étaient siennes, il les méprisait. Il ne pensait qu’à celles dont il était frustré. Les jeux