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immobilité n’était pas naturelle… Il avait, comme sa mère, l’imagination vive, et prompte à s’inquiéter… Que s’était-il passé ?… Il était à mille lieues de se douter des mortelles tempêtes qui avaient, cette nuit, fait rage dans la chambre à côté. Mais sa mère lui était inexplicable, inquiétante ; il ne savait jamais ce qu’elle pensait… Pris d’alarme, en chemise et pieds nus, il alla coller son oreille contre la porte d’Annette. Il se rassura. Elle était là. Elle dormait, d’un souffle fort et heurté. Il entr’ouvrit la porte, craignant qu’elle ne fût malade, il s’approcha du lit. À la lueur de la rue, il la vit étendue sur le dos et prostrée, les cheveux sur les joues, cette figure tragique qui, dans les nuits de jadis, intriguait sa compagne Sylvie ; une respiration rude, violente, oppressée, soulevait la poitrine et retombait, brisée. Marc fut pris de peur et de pitié pour ce qu’il devinait en ce corps de fatigues et de peines. Penché sur l’oreiller, à voix basse et tremblante, il murmura :

— Maman…

Comme si, dans le lointain du sommeil, elle eût perçu l’appel, elle fit un effort pour se dégager, et gémit. L’enfant s’éloigna, effrayé. Elle retomba dans son immobilité. Marc alla se coucher. L’insouciance de son âge, l’épuisement de la journée, eurent raison de son trouble. Il dormit jusqu’au jour, d’un seul trait.

En se levant, lui revinrent les images et les craintes de la veille. Il s’étonnait de n’avoir pas encore vu sa mère : d’ordinaire, (il s’en irritait), elle entrait dans sa chambre, le matin, pour lui dire bonjour et l’embrasser dans son lit. Elle n’entra pas, ce matin. Mais, dans la chambre voisine, il l’entendait aller et venir. Il ouvrit la porte. Agenouillée sur le parquet, elle essuyait les meubles, et ne se retourna pas. Marc lui dit bonjour : elle leva sur lui ses yeux qui sourirent, dit :

— Bonjour, mon petit,
et reprit son travail, sans s’occuper de lui. Il s’atten-