Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/358

Cette page n’a pas encore été corrigée

Quand revint le matin, des peines de la veille ne restait qu’une neige qui fondait au soleil…

Cosi la neve al sol si disigilla
et la douceur endolorie du corps qui a lutté et sait qu’il a vaincu.

Elle se sentait repue, repue de sa douleur. La douleur est comme la passion. Pour s’en délivrer, il faut l’assouvir, toute. Mais peu en ont l’audace. Ils entretiennent sa faim, chien hargneux, des miettes de leur table. Seuls vainquent la douleur ceux qui osent embrasser l’excès de la douleur, lui dire :

— Je te prends. Tu enfanteras par moi.

Cette puissante étreinte de l’âme créatrice, qui est brutale et féconde comme la possession…

Annette retrouva sur la table ce qu’elle avait écrit. Elle le déchira. Ces paroles déréglées lui étaient devenues insupportables, comme les sentiments qu’elles exprimaient. Elle ne voulait pas troubler le bien-être qui la baignait. Elle avait une impression d’allégement, comme d’un lien desserré, d’un maillon de la chaîne qui vient de se briser… Et d’un éclair, elle eut la vision de cette chaîne de servitudes, dont l’âme se déleste lentement, une à une, à travers la série des existences, des siennes, de celles des autres (C’est la même)… Et elle se demanda :

— Pourquoi, pourquoi cet attachement éternel, cet arrachement éternel ? Vers quelle libération me pousse la marche sanglante du désir ?…