Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/343

Cette page n’a pas encore été corrigée

Peu de monde, à cette heure. Quelques promeneurs clairsemés. Paris bourdonnant au loin, comme un frelon. La vibration bleue d’un beau matin d’été. L’enfant chercha un banc caché au pied d’un groupe d’arbres ; et il ferma les yeux sur son trésor. Ses longues mains fiévreuses d’adolescent, pressées contre sa poitrine, semblaient vouloir abriter son cœur des regards indiscrets. Qu’y cachait-il de si précieux qu’à peine osait-il y songer ?

— Une parole de Noémi, dont il avait fait un monde, et qu’elle avait dite sans y penser… Ce dernier jour qu’il l’avait vue, prenant à peine garde à la présence du gamin, elle lui jetait au hasard un sourire, tandis que son attention était absorbée par les grands événements — (Philippe reconquis, l’humiliation d’Annette, victoire définitive !… « Mais on ne sait jamais ! rien n’est définitif. Contentons-nous d’aujourd’hui !… » ) — Elle soupira, de fatigue, d’énervement et de plaisir. Marc lui demanda pourquoi. Distraite par le regard alarmé et naïf de l’enfant, elle dit, pour l’intriguer :

— C’est un secret…
en soupirant de plus belle. Il demanda :

— Quel secret ?

Une pensée malicieuse passant par sa cervelle, Noémi répliqua :

— Je ne puis pas le dire. À toi de deviner !

Palpitant d’émotion, il dit :

— Je ne sais pas. Dites-le-moi !

Elle battait des paupières sur des yeux langoureux :

— Non, non, non…

Rougissant, balbutiant, il avait peur de savoir. Pour faire durer le jeu, elle prit un air mystérieux et dit :

— Tu le veux ?…

Dans son émotion, il était près de crier :

— Non !

— Eh bien… Non, pas aujourd’hui !… Je te le dirai, une autre fois.