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Il ne pardonna point. Philippe ne revint plus.

Annette se répétait :

— Il le fallait, il le fallait…

Mais elle n’acceptait pas. Elle eût voulu revoir encore une fois Philippe, lui faire comprendre doucement — (pourquoi s’était-elle emportée ?) — qu’elle ne se retirait pas de lui, qu’elle défendait jalousement son amour, leur amour et leur fierté commune, qu’avec une inconscience brutale il saccageait. Elle voulait qu’il leur fût donné à tous deux de se recueillir, de se ressaisir au milieu du torrent de passion qui les roulait avec sa boue et son écume, de juger, de décider en claire liberté. Et s’il devait la choisir, qu’il respectât en elle sa femme et lui…

Mais Philippe ne pardonnait point qu’une femme qu’il aimait opposât une barrière à sa volonté. D’une autre classe sociale, il l’eût violentée. Tenu en cage dans la sienne, contraint de ménager ce monde qu’il voulait dominer, sa passion offensée se mua en une négation irritée de sa passion : à défaut de la femme, détruire le sentiment qu’il avait pour elle ! C’était aussi l’atteindre — il le savait — au cœur. Car son instinct lui disait qu’Annette, malgré tout, l’aimait…

Après trois mois de brûlante solitude, de colloques avec elle amers et tourmentés, de renoncement et d’espoir, de fierté, de bassesses, de reproches intérieurs, après trois mois d’attente incurable et stérile, Annette apprit, un jour, par Solange, ravie, le bonheur qui comblait les vœux du ménage Villard : Noémi était enceinte.