Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/333

Cette page n’a pas encore été corrigée


Philippe ne tarda pas à apprendre qu’Annette était rentrée. Il essaya de la joindre chez elle, aux heures où il la savait seule. Mais Annette se méfiait. Il trouva porte fermée. En dépit de sa rancune et des diversions, sa passion n’était pas amortie. La résistance d’Annette l’exaspéra. Il n’était pas homme à se laisser éconduire…

Annette l’aperçut, à quelques pas, dans la rue. Elle pâlit, mais elle ne l’évita point. Ils allèrent l’un à l’autre. Il décida :

— Vous rentrez. Je vais avec vous.

— Non, dit-elle.

Elle entra avec lui dans un square exigu, adossé à une église ; un arbre poussiéreux les masquait à peine au flot des passants dans la rue. Ils devaient se contraindre. Il dit avec âpreté :

— Vous avez peur de moi.

— Non, dit-elle. De moi.

Philippe brûlait de passion et de ressentiment. Mais quand son dur regard rencontra celui d’Annette qui ne l’évitait pas, il y lut une souffrance fermement contenue ; sa colère fondit ; et ce fut d’une voix radoucie qu’il demanda :

— Pourquoi avez-vous fui ?

— Parce que vous me tuez.

— Ne savez-vous point ce que c’est qu’aimer ?

— Je le sais ; et c’est pourquoi je fuis. J’ai peur de vous haïr.

— Eh ! haïssez-moi, s’il vous plaît ! Haïr, c’est encore aimer.