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vie précédente — (le père ?) — avait creusé… Tout ce qui faisait sa force et sa fierté de vivre, sa volonté, son âme saine, ce souffle libre et pur qui baignait ses poumons, y était aspiré. Mors animae… Mais Annette, dont la raison peut-être ne croyait pas à l’âme, Annette ne voulait pas que son âme mourût.

Ramenée à Paris vers Philippe, comme sur les bas-reliefs assyriens un captif, la corde au cou, elle ne vit pas Philippe à Paris : elle le fuit.

Philippe, aussi possédé d’Annette qu’Annette l’était de lui, était venu heurter à sa porte, en son absence. Il s’indigna de ce départ subit. Il n’admettait point qu’elle lui échappât. Il voulut son adresse. Il eut celle de Sylvie, et il alla chez elle. Dès le premier regard, la guerre fut déclarée. Sylvie avait compris. Armée de méfiance rancunière, elle jugea Philippe, avec ses yeux à elle, et non pas ceux d’Annette : l’homme dangereux comme ennemi, plus dangereux comme amant, l’homme qui broie ce qu’il aime. Elle connaissait l’espèce, et ne la pratiquait point. Aux questions impérieuses de Philippe, s’informant où était Annette, elle répondit froidement qu’elle n’en savait rien, en ayant soin qu’il vît qu’elle n’en ignorait rien. Philippe fit effort pour dissimuler son irritation. Il essaya d’enjôler. Sylvie resta de bois. Il partit, enragé.

Il ne s’acharna point à battre les buissons, et jamais n’eut l’idée de ramasser en auto la poussière des routes de Jouy-en-Josas. Il ne chercha point Annette. Il n’entendait pas sacrifier ses journées à une poursuite vaine. Il était sûr qu’Annette reviendrait. Mais qu’elle lui manquât, qu’elle se permît de le troubler, en un moment pareil, il ne le pardonnait pas. Et son ressentiment, non moins qu’un furieux besoin de diversion, le rejeta vers sa femme. Rapprochement provisoire et assez humiliant pour la remplaçante ! Car c’était faute de mieux ; et il attendait l’autre.

Mais Noémi savait n’être point fière, quand son avan-