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Mais lui, ne voulait rien voir ; il revenait, exigeant ses droits égoïstes d’amant, sans penser que chacune de ces victoires charnelles laisse dans l’autre, même consentante, une flétrissure.

Annette se vit dégradée. Elle ne se donnait plus, elle se prostituait à l’amour. Si elle ne se jetait hors de la pente où son corps possédé roulait, elle était perdue…

Une après-midi, elle fuit. Elle alla chez Sylvie, et la pria de prendre chez elle, quelques jours, son enfant ; elle prétexta la nécessité d’une absence. Sylvie ne demanda aucune explication ; un regard lui suffit. Cette femme, d’une curiosité souvent indiscrète, et par tant de côtés si incompréhensive des pensées de sa sœur, avait l’instinct de l’amour et de ses jeux tragiques. Pas plus qu’elle n’avait confié, aux heures de l’ancienne intimité avec Annette, les secrets de sa vie passionnelle, — (elle ne parlait que de l’amusement), — elle n’attendait qu’Annette lui confiât les siens. Elle savait que toute femme a droit à ses heures de silence, ses grandes heures. Et nul ne peut l’y aider. Il faut seule se sauver, ou périr seule. Elle offrit à sa sœur l’abri d’une petite maison qu’elle avait aux environs, près de Jouy-en-Josas. Annette, touchée, l’embrassa, accepta.

Dans le logis rustique, à la lisière des bois, quinze jours elle s’enferma. Elle n’avait même pas dit à Marc où elle allait. Sa retraite n’était connue que de Sylvie.

À peine eut-elle quitté Paris, le cercle ensorcelé, qu’elle vit et qu’elle jugea son égarement des dernières semaines : elle en fut terrifiée. Elle, cette insensée, cette misérable esclave ivre de sa servitude ! Passion, meurtre de l’âme !… L’étreinte se desserrait. Elle respirait, ce soir, elle revoyait les prés, les bois, le calme de la terre. Depuis deux mois, un voile opaque, rouge, lui cachait le monde vivant. Même les plus proches, — son fils, — étaient devenus lointains… En arrivant dans la maison des champs, le voile se déchira, aux rayons du soleil couchant ; elle entendit