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— Votre enfant, vous avez dit… Oui ! Soyez pour moi une mère, une sœur aînée ! Ne me faites pas de mal ! Conseillez-moi ! Dites-moi ce qu’il faut que je fasse ! Je ne veux pas le perdre… Dites-moi, dites-moi… Je ferai tout ce que vous me direz…

Elle ne mentait qu’à moitié. Elle était si habituée à feindra ce qu’elle sentait qu’elle sentait ce qu’elle feignait. Et son amour, sa douleur, le besoin qu’elle avait d’Annette, l’espoir de la toucher, en tout cas étaient réels. Jusqu’à cette confiance qu’elle lui témoignait : sa dernière carte au jeu ! Elle la jouait avec une passion désespérée. Et tout en se confiant, elle ne perdait pas de vue le trouble, que le visage d’Annette ne pouvait déguiser. Annette faiblissait. L’abandon de Noémi la désarmait. Elle ne trouvait plus la force de répondre. Pourtant, elle ne s’y trompait pas. Le ton doucereux de certaines inflexions l’éclairait sur la fausseté de son adversaire. Elle la laissait parler. Elle lisait au fond. Elle pensait : « Que vais-je faire ? Me sacrifier ? Quelle duperie ! Je ne veux pas. Je ne l’aime pas, cette femme. Elle ment, elle me hait. Mais elle souffre… » Et elle caressait la tête de l’ennemie agenouillée, qui continuait de gémir et de la guetter, qui suivait sa volonté vacillante, comme un gibier, avec un frémissement de peur et de joie aiguë, haletante, — sanglante, — et qui, le moment venu, appuyant sur sa bouche ces mains qu’elle aurait bien mordues, inlassable, redit :

— Laissez-le-moi !

Annette, fronçant les sourcils, voulut la repousser. Elle vit dans ces yeux la ruse et la douleur, le mensonge et l’amour, une attente éperdue… Elle sourit avec lassitude, pitié, dégoût d’elle — d’elles deux — de tout — et détournant la tête, dans un instant de faiblesse, elle dit :

— Gardez-le !

Elle ne l’avait pas dit qu’elle voulait le reprendre.