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La rage de Noémi rebondit :

— Croyez-vous que cela ne me dégoûte pas ? Vous me répugnez ! Je vous déteste. Mais je ne veux pas le perdre…

Annette s’écarta de Noémi et dit :

— Je ne vous déteste pas. Vous souffrez, et je souffre. Mais c’est une lâcheté de partager, en amour ! Une lâcheté d’amour. Et je veux bien être victime. Je veux bien être bourreau. Je ne veux pas être lâche. Pour sauver ce que j’aime, je n’en cède pas la moitié. Je donne tout. Je veux tout. Ou bien je ne veux rien.

Noémi, serrant les dents, criait au fond du cœur :

— Rien !

(Même en offrant le partage, elle comptait reprendre tout.)

Mais d’un élan, se levant de sa chaise, elle courut vers Annette, debout, et glissant à ses genoux, elle lui enlaça les jambes :

— Pardon !… Est-ce que je sais, est-ce que je sais ce que je demande ? Est-ce que je sais ce que je veux ?… Mais je suis malheureuse, je ne puis pas le supporter… Qu’est-ce que je puis faire ? Dites-le-moi ! Aidez-moi !

— Vous aider ! Moi ? dit Annette.

— Vous. À qui puis-je m’adresser, pour avoir un secours ?… Je suis seule. Seule avec cet homme qui, même quand il aime, on ne l’intéresse pas, on ne peut pas se confier… Et avant lui, une mère qui n’était occupée que d’elle, de ses plaisirs… Personne pour me conseiller… Je n’ai pas une amie… Lorsque je vous ai vue, j’ai pensé que vous le seriez. Et vous avez été la pire de mes ennemies… Pourquoi me faites-vous du mal ?

Annette, bouleversée :

— Ma pauvre enfant, ce n’est pas ma faute ! Je ne le voulais pas…

Noémi se jeta sur ce mot de pitié :