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la balle dans le mur. Et Noémi ne sut jamais qui des deux elle avait visée…

Elle avait lâché l’arme, et elle ne luttait plus. La réaction nerveuse était venue. Elle s’abandonnait maintenant, sanglotante et prostrée, aux pieds d’Annette ; elle eut une crise de nerfs. L’intuitive Annette avait eu le soupçon, au début, que Noémi jouait la comédie… jusqu’à un certain point — (mais sait-on jamais jusqu’à quel point ?) — Et elle s’irritait sourdement de ce chantage au suicide… Mais le moyen de douter de la souffrance de cette pauvre petite chose effondrée ! Elle s’efforça de rester dure, se détourna, ne put, elle eut honte de ses soupçons, et, le cœur plein de pitié, elle s’agenouilla auprès de Noémi, lui soutenant la tête, tâchant de la consoler, disant maternellement :

— Ma petite… Allons ! allons !…

Elle la prit dans ses robustes bras, et elle la souleva. Elle sentait ce jeune corps, secoué par les sanglots, qui se livrait sans défense, et elle pensait :

— Est-ce possible que ce soit moi qui cause cette souffrance ?

Une autre voix lui disait :

— N’achèterais-tu pas ton amour, au prix de toutes les souffrances ?

— Des miennes, oui.

— Des tiennes et des autres. Pourquoi les autres seraient-elles privilégiées ?

Elle regarda Noémi, qu’elle portait à demi évanouie… Si peu lourde !… Un oiseau !… Il lui sembla que c’était sa fille ; et sans le vouloir, elle la serra dans ses bras. Noémi rouvrit les yeux, et Annette pensa :

— Si elle était à ma place, est-ce qu’elle m’épargnerait ?

Mais Noémi tournait vers elle un regard brisé. Annette l’étendit sur sa chaise longue ; et, debout près d’elle, lui posant sur la tête sa main — (Noémi frémit du contact