Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/313

Cette page n’a pas encore été corrigée

haineuse, redoublant ses accusations, Annette lui tint tête. Le débat se fit âpre. On eût dit que des deux la vraie femme de Philippe fût Annette. Et brusquement, Noémi sans doute en prit conscience : elle perdit toute prudence et, reprise de rage, cria :

— Je vous défends de parler de lui ! Je vous défends !… Il est à moi.

Annette, haussant les épaules, dit :

— il n’est ni à vous, ni à moi. Il est à lui.

Avec emportement, Noémi répéta :

— Il est à moi !

Et elle revendiqua ses droits.

Annette dit durement :

— En amour, il n’y a pas de droits.

Noémi, de nouveau, cria :

— Je l’ai, et je le tiens.

Annette répliqua :

— Il m’a. Vous ne tenez rien.

Les deux femmes se fixaient avec inimitié. Annette, cuirassée d’égoïsme et de dureté. Noémi, brûlante de souffleter Annette. Elle la haïssait toute, de la tête aux pieds. Elle fut près d’insulter sa laideur, de la flageller des mots les plus cruels, des mots irrémédiables. C’eût été une jouissance… Mais elle s’arrêta net : elle y eût trop perdu !…

Et se baissant vivement pour ramasser son sac tombé à ses pieds, elle en arracha le revolver et elle le dirigea… contre qui ?… Elle ne savait pas encore… Contre elle-même ! … C’était d’abord une feinte ; mais Annette s’étant précipitée pour lui saisir le bras, elle se prit à son jeu. Les deux femmes luttaient, Noémi tombée à genoux, Annette courbée sur elle. Il n’était pas facile de maintenir la petite désespérée. Elle voulait vraiment se tuer, à présent… Quoique si l’arme eût effleuré la poitrine d’Annette, avec quelle volupté elle eût tiré !… Mais Annette fit dévier le poignet, le coup partit, logeant