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n’était point là ; elle se posa sur le bras d’un fauteuil, disant de petits mots tendres à Annette, debout près d’elle et guindée. Et même, tout en causant, elle passait un de ses bras autour de la taille d’Annette et jouait avec sa collerette. Soudain, elle fondit en larmes… Annette, au premier moment, crut qu’elle jouait encore… Mais non ! C’était sérieux, de vraies larmes…

— Noémi !… Qu’est-ce que vous avez ?

Elle ne répondait pas, le visage appuyé contre le sein d’Annette, et continuait de pleurer. Annette, penchée sur ce gros chagrin, tâchait de le calmer. Enfin, Noémi, relevant la tête, au milieu de ses sanglots, gémit :

— Rendez-le-moi !

— Qui ? demanda Annette, saisie.

— Vous savez !

— Mais…

— Vous savez, vous savez ! Et je sais que vous l’aimez. Et je sais qu’il-vous aime… Pourquoi me l’avez-vous pris ?

Nouveaux pleurs. Annette, le cœur serré, entendait Noémi plaintivement rappeler la confiance, l’affection qu’elle lui avait donnée ; et elle ne pouvait répondre, car elle-même s’accusait ; et ces reproches douloureux, dénués de violence, frappaient juste. Cependant, comme Noémi disait avec amertume qu’Annette avait abusé de son amitié pour la tromper, elle essaya de se disculper, disant comment l’amour était venu malgré elle et l’avait subjuguée. Noémi, pour qui ces aveux étaient sans charme, chercha à les détourner ; et, feignant d’aider Annette à se justifier, elle parut croire que Philippe était le principal coupable ; elle en parla outrageusement. C’était soulager sa rancune, et tâcher de le rendre odieux, au moins suspect, à Annette. Mais celle-ci prit sa défense. Elle n’admettait point qu’on accusât Philippe de l’avoir provoquée. Il avait été franc. Elle, elle seule avait commis la faute de l’empêcher de parler. Et Noémi,