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Si Noémi était folle, elle devint possédée. Pendant quelques heures, sa tête extravagua de fureur insensée. Elle cherchait tous les moyens, absurdes, féroces, de se venger. Tuer Philippe. Tuer Annette. Se tuer. Déshonorer Philippe. Diffamer Annette. Faire souffrir Annette. Vitrioler Annette… Jouissance ! La défigurer… L’atteindre dans son honneur. L’atteindre dans son enfant. Écrire, envoyer des lettres anonymes… Elle griffonna fiévreusement quelques lignes, déchira, recommença, déchira… Elle eût tout aussi bien mis le feu à la maison… Mais elle ne le mit pas ; se calmant peu à peu, ses forces se ramassèrent. Et son vrai génie de femme amoureuse entra en jeu.

Elle s’était rendu compte qu’elle ne pouvait rien sur Philippe, directement… Il le lui paierait, un jour !… Mais pour l’instant, il était inaccessible. Donc, agir sur Annette. — Elle se rendit chez Annette.

Elle ne savait pas ce qu’elle allait faire. Elle était prête à tout. Elle avait mis son revolver dans son sac-à-main. Chemin faisant, elle jouait, dans sa tête, des scènes qu’elle éliminait ensuite. Car son instinct lui faisait entendre les réponses d’Annette et corriger son plan, à mesure. Et même au dernier moment, elle changea tout. Un flot de rage la soulevait, en montant l’escalier, courant presque, haletante ; et elle serrait à travers l’étoffe l’arme dans sa main crispée. — Mais quand, la porte ouverte, elle se trouva devant Annette, d’un regard elle comprit… Un geste, un mot de violence ; et Annette irritée n’en serait que plus implacable à suivre sa passion.

La colère de Noémi instantanément s’éclipsa. Et rouge, comme essoufflée d’avoir monté trop vite, elle se jeta en riant au cou d’Annette. Surprise de cette irruption, gênée de ces embrassades, Annette gardait sa réserve. Mais l’autre, déjà entrée, pénétrait sans façons dans la chambre à coucher, rapidement s’assurait que Philippe