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Noémi se hâtait de rentrer. Elle se remémorait les premières rencontres de Philippe avec Annette, dont elle avait été le témoin, sa bêtise et leur trahison. Elle était enragée. À peine se retrouva-t-elle entre les murs de son appartement qu’elle se livra à la fureur. Ce fut comme une trombe. En un clin d’œil, tout fut dévasté. Qui l’eût vue, pleurante et convulsée, l’eût à peine reconnue, son joli visage grimaçant de colère, mordant et lacérant son mouchoir, saccageant les papiers sur le bureau de son mari, se vengeant de sa souffrance sur le petit chien qui venait la caresser et sur un perroquet qu’elle faillit étrangler… Mais elle avait eu soin de s’enfermer à clef. Certes, le rôle de Furie voulait être joué à huis-clos. Il n’embellissait pas. Elle paraissait dure, vieillie et fripée. Mais de se voir dans la glace, sans témoins, laide et méchante, ne lui déplaisait point, presque la soulageait : c’était aussi une vengeance. — Puis, elle s’apitoya sur elle, sur son visage et, distraite de sa violence par cette compassion, elle se roula sur le tapis et sanglota bruyamment… Cela ne peut durer toujours, Philippe va rentrer, il faut donc se dépêcher, faire les bouchées doubles, pleurer vite, pleurer fort… Elle continuait à bruire ; mais le gros de la tempête déjà était passé. Le petit chien sans rancune vint lui lécher l’oreille. Elle l’embrassa en se plaignant ; et, assise sur le tapis, caressant un de ses pieds, elle se tut. Elle pensait. — Soudain, son parti pris, elle se remit sur pattes, releva ses cheveux qui lui couvraient les yeux, ramassa les objets éparpillés dans la chambre, rétablit dans leur ordre les