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Elle !… La passion d’Annette ne lui laissait pas le choix… — Mais ce n’était point gai…

Au moins, que cette souffrance ne soit pas aggravée ! Il est coupable de la prolonger, comme ils font, de laisser mûrir la blessure sans y porter une main ferme, pour trancher et panser. Esquiver l’aveu franc, s’en remettre à Noémi du soin de découvrir son infortune, c’est lâche et c’est cruel. Annette avait, dès le premier jour, déclaré à Philippe :

— Je ne veux point me cacher..

Comment donc s’était-elle laissée, de jour en jour, glisser à cette situation sans dignité ?… Toujours sa faiblesse de cœur… Elle disait à Philippe :

— Il faut parler.

Mais dès que Philippe voulait parler, elle l’empêchait, Elle avait peur de sa brutale franchise. Il rejetait ce qu’il n’aimait plus, comme un citron pressé. Ses vieux liens le gênaient. Il disait :

— Allons ! Finissons-en !

Et Annette :

— Non, non, pas aujourd’hui !

Elle voyait le mal qu’il allait faire. — Dieu ! que c’est pénible d’assassiner un cœur !

Philippe avait bien autre chose à penser ! Ses jours étaient remplis par une lutte acharnée contre l’opinion et la presse ameutées. Ce n’était pas le moment, pour Annette, de le fatiguer de ses propres soucis. Il s’était engagé dans une campagne dangereuse. Il avait pris l’initiative d’une ligue pour la restriction de la natalité. Il abhorrait l’hypocrisie impudente de la bourgeoisie régnante, qui, nullement soucieuse d’améliorer l’hygiène, d’alléger l’indigence des classes travailleuses, ne s’intéresse qu’à leur pullulement, afin de ne point manquer de chair à usine et à canon. Elle se garde, pour son compte, de diminuer son bien-être et de compliquer sa vie, en faisant trop d’enfants ! Mais elle ne