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Ils n’avaient encore rien dit à « l’autre ».

Annette s’était juré de ne pas être à Philippe, avant qu’il n’eût parlé à Noémi. Mais la force de la passion avait devancé sa résolution. On ne fixe pas à la passion son heure. Elle la prend. — Et maintenant, c’était Annette qui retenait Philippe. Elle craignait son implacabilité.

Philippe n’eût eu aucun scrupule à laisser Noémi dans l’ignorance. Il ne l’estimait pas assez, pour croire qu’il lui dût la vérité. Mais s’il devait la dire, il la dirait sans ménagements. Il était un homme terrible, terriblement sans bonté, quand une passion le tenait. Le reste n’existait plus. L’amour qu’il avait eu pour Noémi était celui d’un maître pour une esclave de prix ; et elle n’avait été pour lui, en somme, rien de plus. Comme nombre de femmes, elle s’en accommodait : quand l’esclave tient le maître, rien n’égale son pouvoir. Elle est tout, — jusqu’au jour où elle n’est plus rien. Noémi le savait ; mais elle se sentait sûre de sa jeunesse et de son charme, pendant bien des années. Après nous, le déluge !… Et puis, elle veillait. Elle avait connu des infidélités passagères de Philippe. Elle n’y attachait pas trop d’importance, car elle les avait bien jugées : sans lendemain. Elle se payait seulement le luxe de petites vengeances, qu’elle ne lui disait pas. Elle l’avait trompé rageusement une fois, une seule fois que l’infidélité de Philippe lui avait été plus cuisante. Elle y avait eu peu de plaisir, et même un peu de dégoût ; n’importe ! Elle était quitte. Après, elle s’était montrée au mari plus caressante