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Et ce nom de Rivière, dans sa bouche, évoquait un cours d’eau.

Annette, frémissante, immobile, répondit :

— Je ne sais pas si je vous aime, je ne crois pas, mais je sais que je suis vôtre.

La lueur d’un sourire passa sur le grave visage de Philippe.

— C’est bien. Vous ne mentez pas, dit-il… Ni moi.

Il fit un pas vers elle. Elle recula, d’instinct, et se trouva adossée à la paroi de la chambre, sans défense, la paume de ses deux mains appuyée contre le mur ; et ses jambes fléchissaient. Il s’était arrêté, et il la contemplait.

— Ne craignez point ! dit-il.

Et, dans son dur regard, il y avait de la tendresse. Elle dit, comme une vaincue qui accepte, avec calme et une ombre de mépris :

— Que voulez-vous de moi ? C’est mon corps que vous voulez ? Je ne vous le dispute point. Ce n’est que lui que vous voulez ?

Il fit encore un pas et s’assit sur un siège bas, à ses pieds. Sa joue frôlait la robe. Il prit la main d’Annette, qu’elle lui abandonna, inerte. Il la respira, promena ses lèvres sur les ongles et, s’inclinant, la posa sur sa tête, sur ses yeux.

— Voilà ce que je veux.

Annette sentait, sous ses doigts, les rudes cheveux en brosse, la gonflure du front, et la tempe qui battait. Cet homme impérieux se mettait sous sa garde… Elle se pencha vers lui. Il releva la face. Ce fut leur premier baiser. Ses bras enserraient Annette, tombée à genoux près de lui, et ne résistant plus, comme vidée de son souffle. Et le violent Philippe ne songeait pas à user de sa victoire. Il disait :

— Je veux tout. Je vous veux toute : maîtresse, amie, compagne, — ma femme tout entière.