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Annette resta seule, dans un torrent de feu. Elle allait droit devant elle. Elle se retrouva, dix minutes après, à l’endroit qu’elle venait de quitter. Elle avait, en marchant, sans le savoir, fait le tour de la grille du Luxembourg. Elle se réveilla brûlée, les trois mots de flamme gravés sur fond noir. Elle fit effort pour les effacer… Les avait-il dits ?… Elle revoyait le visage impassible. Elle essaya de douter. Mais l’empreinte était là. Et sa résistance faiblit, et brusquement céda… C’est bien… C’était écrit… Elle le savait d’avance… Au lieu de se révolter, comme elle l’eût pensé, une heure auparavant, elle était soulagée. Le sort en était jeté…

Elle rentra, le cerveau lucide, sans fièvre, décidée. Elle savait que ce que Philippe voulait, il le ferait. Et ce que Philippe voulait, elle le voulait aussi. Elle était libre. Rien ne la retenait… La pensée de Noémi ? Elle ne lui devait rien qu’une chose : la vérité. Elle ne mentirait point. Elle reprendrait son bien… Son bien ? Le mari de l’autre… Mais l’aveugle passion lui soufflait que Noémi le lui avait volé.

Elle ne fit rien pour presser l’inévitable. Elle était sûre que Philippe viendrait. Elle attendit.

Il vint. Il avait choisi l’heure où il la savait seule. Quand elle alla ouvrir, elle fut prise de terreur. Mais cela devait être ainsi. Elle ouvrit. Elle ne montra rien de son émotion, si ce n’était sa pâleur. Il entra dans la chambre. Ils restaient l’un devant l’autre, à quelques pas, debout, le front un peu baissé ; et il la regardait, avec ses yeux sérieux. Après un silence, il dit :

— Je vous aime, Rivière.