et par les justes droits de ceux qui depuis longtemps attendaient leur tour d’entrer. Justes ou non, il leur passa sur le ventre, à tous. Philippe n’eût point souffert des honneurs ou des avantages qui ne fussent pas mérités ; mais, les sachant mérités, il ne s’embarrassait point des moyens pour les décrocher. Il méprisait trop les hommes pour ne pas leur emprunter, quand c’était nécessaire, leurs méprisables armes, afin de les enfoncer. Il ne négligea point une réclame de presse, qui perçait les oreilles, à la façon des cuivres accompagnant jadis, sur les tréteaux de villages, les arracheurs de dents. Il fut l’homme des exhibitions mondaines, des avant-premières, des vernissages, des galas officiels. Il se prêta aux interviews sensationnelles. Lui-même il écrivit — (on n’est jamais mieux servi que par soi) — et, par un ou deux exemples, il montra aux contradicteurs qu’il maniait la plume aussi bien que le bistouri. Avis aux amateurs !… Point d’équivoque ! Sa façon de tendre la main voulait dire : « Alliance, ou guerre ? » Il ne laissait aucun moyen d’échapper par la neutralité.
En même temps, un travail acharné, nul ménagement pour soi, pas plus que pour les autres, l’indifférence aux risques, des résultats éclatants, impossibles à nier, qui lui faisaient de ses internes, dans l’hôpital qu’il dirigeait, d’enthousiastes partisans ; des communications téméraires à l’Académie, qui soulevaient l’incrédulité exaspérée des esprits bien assis, n’aimant pas à être bousculés ; des joutes homériques, d’où il sortait presque toujours avec le mot décisif, toujours avec le dernier.
Il épouvantait les timidités. Point d’égards aux individus, quand l’intérêt de la science ou de l’humanité lui semblait en jeu ! Il eût voulu expérimenter sur les criminels, supprimer les monstres, châtrer les anormaux, faire des essais héroïques sur la chair vivante. Il haïssait la sentimentalité. Il ne s’apitoyait pas sur ses patients, et il ne leur permettait pas les apitoiements. Leurs