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peine morale… Ton clan te rejettera, l’opinion te condamnera, chaque jour tu souffriras de petites avanies… Tu as le cœur tendre et fier. Il saignera.

— Il saignera. On jouit mieux d’un bonheur, quand il faut l’acheter. Je ne veux rien que de sain et d’honnête. L’opinion ne m’effraie pas.

— Et si ton petit en souffre ?

— Ils oseraient ?… Eh bien, nous lutterons ensemble contre ces lâches !

Redressée sur son lit, elle secouait sa chevelure, comme un lion.

Sylvie la considéra, voulut garder sa mine sévère, ne put, rit, haussa les épaules, soupira :

— Pauvre petite folle !…

Annette, câlinement, lui demandait :

— Tu nous aideras ?

Sylvie l’embrassa furieusement. Et elle montra le poing au mur :

— Gare à qui te touche !


Elle partit. Annette, fatiguée de la discussion, retomba dans son rêve. Cette fois, avec sa sœur, la partie était gagnée ! Mais de la conversation, une inquiétude restait, un mot dit par Sylvie… Est-ce que l’enfant, un jour, pourrait lui reprocher ?…

Sur le dos étendue, et ses mains sur son ventre croisées, elle écoutait en elle. En elle, le tout petit commençait à remuer. Annette lui parlait, bouche close, comme souvent. Elle lui demandait si elle faisait bien de le garder pour elle seule ; elle le priait instamment de lui dire si elle avait raison, et s’il était content : car elle ne voulait rien faire, dont il pût la blâmer. — Alors, le tout petit, naturellement, répondit qu’elle faisait bien, et qu’il était content. Il dit qu’il la voulait à lui, à lui