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elle entendait l’appel de cette lâcheté de vivre ; et elle la châtiait.

De là qu’elle s’imposa, en ces mois qui suivirent le malheur, une austère discipline du cœur, un rigorisme moral, pessimiste et hautain, qui cachait sa tendresse blessée…

Après le sombre hiver, Pâques étaient revenues. Annette errait dans Paris, le matin du dimanche : — le ciel refleurissait, l’air était immobile ; — l’âme enveloppée de son deuil, elle écoutait les appels nostalgiques des cloches ; et leur filet sonore l’enserrait de ses mailles, la tirait hors du flot du siècle insouciant sur la grève où gisait le Dieu mort. Elle entra dans une église ; et, dès les premiers pas, elle fut suffoquée par ses pleurs ; depuis longtemps refoulés, ils refluaient. Dans le coin d’une chapelle, agenouillée, elle les laissa couler, tête basse. Jamais elle n’avait senti comme à cette heure le tragique de ce jour. Elle entendait ces orgues, ces chants, ces chants de joie… Cette joie !… Sylvie qui riait… Et l’âme pleure, au fond… Ah ! elle le savait bien, aujourd’hui : Le pauvre mort n’est pas ressuscité ! Et l’amour désespéré des siens, l’amour des siècles, s’épuise à nier sa mort… Cette poignante vérité, combien elle est plus grande et plus religieuse que l’illusoire résurrection ! Duperie passionnée, navrante duperie du cœur, qui ne peut consentira perdre son bien-aimé !…

Elle ne pouvait avec personne partager ses pensées. Et renfermée en elle, avec la petite morte, elle la défendait contre la seconde mort, la plus terrible : l’oubli. Elle réagissait durement contre elle et contre les autres. Et comme toute réaction contre un milieu de pensée, par le choc en retour amène une réaction contraire, son attitude de blâme provoqua ceux qui se sentaient atteints à exagérer la leur. Et le malentendu s’élargit.

Il devint presque complet entre le fils et la mère. Marc