Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/231

Cette page n’a pas encore été corrigée


Mensongère apparence…

La vie reprit dans la maison Rivière. Mais la catastrophe avait fait une brèche aux âmes.

C’est un bien petit événement dans l’ordre général que la disparition d’un enfant. On est environné de mort, elle ne devrait pas surprendre ; dès qu’on commence à regarder, on la voit qui travaille et l’on s’y habitue. On croit qu’on s’habitue. On sait qu’elle viendra un jour travailler chez nous, et l’on prévoit la peine. Mais il y a bien plus que la peine ! Que chacun s’interroge ! Peu qui ne reconnaîtront la révolution qu’une mort a produite dans toute leur existence ! C’est un changement d’ère… « Ante, Post Mortem… » Un être a disparu. La vie tout entière est atteinte, tout le royaume des êtres, hier royaume du jour, et aujourd’hui, de l’Ombre… Ô Dieu ! si cette petite pierre, cette seule pierre tombe de la voûte, toute la voûte tombe ! Le rien est sans mesure. Si ce petit moi n’est rien, aucun moi n’est rien. Si ce que j’aime n’est rien, moi qui aime, je ne suis rien. Car je ne suis que par ce que j’aime… L’irréalité de tout ce qui respire est soudain apparue. Et tous en prennent conscience, mais non de la même façon, chacun avec ses organes — instinct ou intelligence, en face, le regard droit, ou fuyant, et les yeux alignant de côté.

Sur l’arbre de la famille, d’où avait été brisé le petit rameau d’Odette, les autres branches continuèrent à pousser. Mais trois au moins sur quatre furent modifiés dans leur développement.

Le moins touché fut le père. Le jour de l’enterrement,