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s’arrêter. Elle avait pris un ouvrage, qu’à tout instant elle jetait, elle prenait, elle jetait, pour écouter la chambre au sommeil. Elle redisait :

— Comme elle dort !…
en promenant son regard sur les autres, pour les… pour se persuader. Une fois, elle retourna près du petit lit, et penchée sur l’enfant, lui dit des mots mignons. Ce fut atroce pour Annette. Elle voulait que Sylvie se tût. Le mari, à voix basse, la supplia de ne pas toucher à l’illusion.

L’illusion tomba seule. Sylvie, revenue à sa place, avait repris son ouvrage, et elle ne parlait plus. Les autres parlaient autour d’elle, mais elle n’écoutait plus. À leur tour, ils se turent. Le sombre silence plana… Soudain, Sylvie cria. Sans mots. Un long cri. Abattue sur la table, elle y heurtait sa tête. On écarta précipitamment les aiguilles et les ciseaux. Quand la parole lui revint, ce fut pour insulter Dieu : elle ne croyait pas en lui ; mais il faut bien avoir quelqu’un contre qui se venger ! Elle avait les yeux torves ; et de basses injures elle le souffletait…

L’épuisement vint. On la porta sur son lit. Elle ne remuait plus. Annette resta près d’elle, jusqu’à ce qu’elle fût assoupie.

Alors, elle rentra brisée. Les rues blêmes, au petit jour… Marc ne dormait pas. Elle se coucha en grelottant. Mais au moment de se mettre au lit — (c’était trop, tout ce que depuis douze heures elle avait dû souffrir et maîtriser !) — elle courut en chemise et pieds nus dans la chambre de son fils, et passionnément elle lui baisa la bouche, les yeux, les oreilles, le cou, les bras, les mains. Et elle disait :

— Mon petit, mon cher petit… Toi, tu ne me quitteras pas ?…

Il était très ému, gêné et effrayé. Il pleura avec elle, plus sur lui que sur les autres. Sur les autres, aussi. À