Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/223

Cette page n’a pas encore été corrigée

sa voix se mit à trembler ; il courut se cacher dans sa chambre, pour pleurer. Annette qui sentit, avec la divination maternelle, l’angoisse pour ce cœur d’enfant de la première rencontre avec la mort, évita de parler du sujet redoutable, mais le prit sur ses genoux, comme quand il était petit. Et lui, ne songea pas à se plaindre qu’on le traitât en petit, et il se réfugia dans la chaleur du sein. Après qu’ils se furent apaisés l’un et l’autre, en berçant leur peur et sentant qu’ils étaient deux pour se défendre, elle le fit coucher et le pria d’être un brave petit homme, de ne pas s’effrayer si elle devait ressortir, le laisser seul une partie de la nuit. Il comprit et promit.

Elle reprit, dans la nuit, le chemin de la maison tragique. Elle voulait veiller la petite morte. Sylvie était sortie de sa morne insensibilité. Elle n’était pas revenue au furieux désespoir du début. Mais le spectacle n’était pas moins pénible. Sa tête s’était troublée. Annette lui vit, sur les lèvres, un sourire. Sylvie leva les yeux, en l’entendant entrer, la regarda, vint à elle, et dit :

— Elle dort.

Elle la prit par la main, et la mena devant le lit :

— Regarde comme elle est belle !

Son visage rayonnait ; mais Annette vit passer sur le front une ombre d’inquiétude ; et quand, après un moment, Sylvie répéta, à mi-voix :

— Elle dort bien, n’est-ce pas ?…

Annette rencontra son regard fiévreux, qui attendait qu’elle dît :

— Elle dort. Oui.

Elle le dit.

Elles allèrent s’asseoir dans la chambre à côté. Le mari était là, avec une ouvrière. Ils se forçaient à causer, pour occuper son attention. Mais la pensée blessée de Sylvie, qui se fuyait, sautait d’un sujet à l’autre, sans