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les gâtait indignement. Et, comme il est naturel, ils revenaient grognons, à la maison. Ce qu’ils avaient de plus tendre, ils le réservaient à celle qui n’était pas la mère de tous les jours.

Odette ravissait Annette par ses câlineries, ses petites confidences et ses longs babillages. Annette en était sevrée. Marc avait le tempérament passionné de sa mère, mais il savait mieux le comprimer ; il n’aimait pas à se livrer, et surtout aux plus proches, parce qu’ils en abusent : — aux étrangers, c’est moins dangereux : ils entendent de travers… — Odette était, comme Sylvie, caressante, expansive, mais de cœur très aimant ; elle exprimait tout haut ce qu’Annette souhaitait d’entendre : la petite futée, qui s’en apercevait, lui en doublait la dose ; elle éveillait l’écho de ce qu’Annette avait pensé, enfant. Annette se l’imaginait, du moins ; et elle l’aimait, en partie, pour cette suggestion ; en l’écoutant, elle rêvait à ses premières années, qu’elle faussait inconsciemment : car elle y projetait les brûlantes clartés de ses pensées d’aujourd’hui…

Chères matinées de dimanche ! La petite était dans le grand lit : (c’était pour elle une fête de passer la nuit nichée dans les bras de sa tante, qui recevait ses coups de pied sans broncher et craignait de respirer, pour ne pas la réveiller…) Elle regardait Annette, qui s’habillait, et elle jasait, comme un moineau. Seule maîtresse du lit et, afin d’affirmer sa prise de possession, étendue en travers, elle faisait des folies, quand la tante lui tournait le dos. Mais Annette, qui se coiffait devant son miroir, riait d’y trouver au fond les guibolles nues en l’air et la brune tête ébouriffée sur l’oreiller. Cela n’empêchait pas Odette de suivre chacun de ses gestes et de faire sur la toilette de comiques observations. Elle avait, au milieu de son babil, de graves réflexions, inattendues, lointaines, qui faisaient dresser l’oreille à Annette :

— Qu’est-ce que tu as dit ? Répète !

Elle ne se souvenait pas… Alors, elle en inventait