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recherche ; elle la découvrit derrière un grand rideau. Se baissant pour la prendre, accroupie sur ses talons, disant des mots mignons, elle lui tendit les bras. La petite détournait la tête, et ne voulait pas regarder ; puis, ce fut une explosion : elle se jeta au cou d’Annette. À table, où elle avait le bonheur d’être placée à côté de la tante, sa langue resta liée : l’événement la suffoquait. À la fin seulement, elle s’intéressa au dessert. On but à l’amitié retrouvée ; et, par plaisanterie, Léopold trinqua au futur mariage de Marc avec Odette. Marc en fut vexé : ses ambitions visaient plus haut. Odette le prit au sérieux. Après dîner, les deux enfants essayèrent de jouer, mais ils ne s’entendirent pas. Marc était dédaigneux, Odette fut mortifiée. Les parents qui causaient entendirent des claques et des pleurs. On sépara les combattants. Ils boudaient tous les deux. Odette était énervée par les émotions de la journée. Il fallut la coucher. Elle s’y refusait, maussade. Mais Annette lui proposa de l’emporter dans ses bras, et l’enfant se laissa prendre. Annette la déshabilla et la mit dans son lit, en baisant ses petites jambes grassouillettes. Odette était dans l’extase. Annette resta près d’elle, jusqu’à ce qu’elle fût endormie, — (ce qui ne tarda point) — et, retrouvant Marc sur les genoux de Sylvie, elle dit à sa sœur :

— Veux-tu que nous changions ?

— Tope ! fit Sylvie.

Mais, dans le fond du cœur, aucune n’aurait changé. Et pourtant Marc eût peut-être mieux convenu à Sylvie, et Odette à Annette. Mais ce n’était pas le « mien » !

Les enfants s’accommodaient beaucoup mieux du changement. En ayant entendu parler par jeu, ils le réclamèrent. Pour leur faire plaisir, on le leur accorda. Le troc avait lieu le samedi soir entre les deux mères. Odette chez Annette et Marc chez Sylvie passaient la nuit de samedi et la journée de dimanche ; le dimanche soir, on les rendait à leurs propriétaires. Dans l’interrègne, on