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Avec l’ardeur d’un amant, mais qui aurait gardé le don de la divine ignorance !… Et la nuit, ne dormant pas, il l’écoutait respirer… Toute cette vie mystérieuse le troublait, l’absorbait…

Ainsi, tous les deux rêvent ; mais elle est en pleine mer, et habituée au long voyage. Lui, en est au départ ; et tout lui est découverte. Aussi, tout lui étant neuf, il regarde mieux et, souvent, il aperçoit plus loin. Il a des moments de sérieux étonnant ! Ils ne durent point. Il est comme les animaux : brusquement, ce regard pénétrant vacille : plus personne !… Mais aux minutes où il fixe sur sa compagne-mère sa jeune force nouvelle, d’attention et d’amour, enfermé avec elle dans un silence ardent, tout son être s’imprègne de l’odeur de cette âme ; il en devine sans comprendre les moindres tressaillements ; et, par éclairs, il touche aux secrets du cœur.

Bientôt, il en perdra la clef. Il ne s’y intéressera plus. Il ne saura plus voir. Il y a deux êtres en lui : la lumière du dedans, et l’ombre du dehors. Quand le corps de l’enfant se développe, l’ombre grandit avec lui, et elle couvre la lumière. À mesure qu’il monte, il tourne le dos au soleil ; il paraît plus enfant, quand il est moins enfant ; et lorsqu’il est en haut, sa vue est plus bornée. Pour l’instant, Marc jouit encore de la clairvoyance magique, dont il ne se doute point. Jamais il ne fut plus près d’Annette, jamais il ne le sera, avant bien des années.

Vers la fin de cette période, l’attrait devint en lui plus fort que la méfiance. Il ne résistait plus à l’élan qui le jetait brusquement, le visage, yeux et bouche, appuyé sur le sein de sa mère. Annette, avec transport, découvrit que son enfant l’aimait. Elle ne l’espérait plus…

Quelques mois s’écoulèrent, aussi délicieux qu’un jeune amour partagé. Lune de miel de l’union de l’enfant et de la mère. Ravissante pureté de cet amour de chair, comme tous les amours, mais d’une chair sans péché. Rose vivante…