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de sa vie amoureuse offraient des sujets variés, où il se complaisait. Il aimait à prendre Annette pour confidente amusée, qui le grondait un peu ; il était le premier à se moquer de lui, comme il se moquait de tout ; et elle écoutait en riant ses libres confessions, étant libre d’esprit pour tout ce qui ne la touchait point. Il le comprenait autrement ; et il avait plaisir à lui voir cette gaie intelligence, indulgente à la vie. Il ne trouvait plus trace de ce pédantisme moral, de cette intolérance de jeune fille, un peu bornée par vertu. Tandis qu’ils échangeaient leurs réflexions ironiques, il pensait que ce serait charmant de s’attacher cette spirituelle amie, de partager avec elle l’aventure de la vie… Comment ? Comme elle voudrait ! Maîtresse, épouse, à son gré ! Il n’avait pas de préjugés. Pas plus qu’il n’avait attaché d’importance à la « maternité buissonnière » d’Annette, il ne se préoccupait des rencontres qu’elle avait pu faire, depuis. Il ne la tourmenterait pas de sa surveillance exigeante ; il n’était pas curieux de sa vie secrète : à chacun ses secrets et sa part de liberté ! Il ne lui demandait que, dans la vie commune, d’être riante et sensée, une bonne associée d’intérêts et de plaisir : (et dans le plaisir, il comprenait tout : l’intelligence, l’affection, et le reste).

Il y pensa si bien qu’il le lui dit, un soir que dans la bibliothèque où ils achevaient leur travail, le soleil, au travers des arbres d’un vieux jardin, dorait les fauves reliures. Annette fut bien étonnée !… Comment ! il y revenait, ce n’était pas fini ?… Elle dit :

— Oh ! mon ami, que vous êtes gentil ! Mais il n’y faut plus penser.

— Mais si, il faut y penser, dit-il. Pourquoi ne faudrait-il pas ?

— « Oui, en effet, pourquoi pas ? » se disait Annette. « Je suis contente de causer avec lui, de le voir… Mais non, c’est impossible ! Cela ne se discute même pas… »