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déconcertée. C’est vrai, j’ai dit cela. Je n’ai pourtant pas menti, ni maintenant, ni alors… Comment expliquer ? Je n’invente pas. Je me souviens très bien.

— Je connais cela, dit Sylvie. Quand j’ai une toquade, je me souviens aussitôt que depuis que je suis née, je n’ai jamais voulu que ça.

Mais Annette faisait une moue mécontente :

— Non, tu ne comprends pas. C’est ma vraie nature, celle que je sens aujourd’hui, elle a toujours été ; mais je n’osais pas me l’avouer, avant que l’heure fût venue ; j’avais peur d’être déçue. Maintenant… ah ! maintenant, je vois que c’est encore plus beau que ce que j’espérais… Et c’est moi tout entière. Je ne veux rien de plus…

— Quand tu voulais Roger, ou Tullio, dit Sylvie malignement, tu ne voulais rien de plus…

— Ah ! tu ne comprends rien !… Est-ce que cela peut se comparer ? Quand j’aimais — (ce que vous appelez : « aimer » ), — ce n’est pas moi qui voulais, j’étais forcée… Comme j’ai souffert de cette force qui me tenait, sans que je pusse résister ! Combien de fois j’ai prié, pour en être délivrée !… Et voilà que, justement, lui, lui, mon tout-petit, il est venu à mon secours, lorsque je me débattais dans les liens de cette souffrance que l’on appelle : amour, il est venu, il m’a sauvée… Mon petit libérateur !…

Sylvie se mit à rire. Elle n’avait rien compris aux raisons de sa sœur. Mais elle n’avait pas besoin de raisons pour comprendre son instinct maternel : là-dessus, les deux sœurs seraient toujours d’accord. Elles entamèrent un tendre bavardage sur le petit inconnu — (serait-il homme ou femme ?) — et sur les mille riens, graves et futiles, qui ont trait à sa venue, et dont une femme n’est jamais lasse de babiller.

Elles causaient ainsi depuis longtemps, quand Sylvie se souvint qu’elle était venue pour faire la leçon, et non pour chanter un duo. Elle dit :