Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/186

Cette page n’a pas encore été corrigée

frisson, qu’ont ces filles à parler d’accidents, de morts subites, de maladies, d’enterrements, et de jacasser de plus belle !… La mort les excitait. L’instinct animal du petit se hérissait, à ce nom. Là-dessus, il eût bien voulu interroger sa mère. Mais Annette, très saine, ne parlait jamais de la mort et ne s’en préoccupait jamais, à cette époque de sa vie. Elle avait bien autre chose à faire ! Gagner la vie de son petit gars. Quand, du matin au soir, il faut songer à l’en deçà, l’au-delà paraît un luxe. Il ne devient l’essentiel que lorsque ceux qu’on aime ont passé de l’autre côté. Son fils était ici. Au reste, si elle l’eût perdu, ni la vie ni la mort n’aurait eu de prix pour elle. Elle était trop passionnée pour se satisfaire d’un monde immatériel, d’un monde sans le corps aimé !

Marc la voyait vigoureuse, intrépide, occupée, insoucieuse de ses craintes ; et il aurait eu honte de trahir sa faiblesse. Il lui fallait donc s’aider seul. Ce n’était pas commode. Mais on peut croire que le petit ne s’embarrassait pas de problèmes de pensée compliqués ! Il ramenait la question à ses dimensions propres. La mort, c’étaient les autres qui disparaissaient. Qu’ils disparussent, c’était leur affaire ! Mais moi, est-ce que je puis disparaître ?

Sylvie, une fois, dit devant lui :

— Hé quoi ! nous mourrons tous !…

Il avait demandé :

— Et moi ?

Elle rit :

— Oh ! toi, tu as le temps !

— Combien ?

— Jusqu’à ce que tu sois vieux.

Mais il savait très bien qu’on enterrait aussi des enfants. Et puis, même vieux, il serait encore lui. Un jour, Marc mourrait… Il était terrifié. Est-ce qu’il n’y avait pas un moyen d’échapper ? Il devait se trouver, quelque