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grandes forces humaines qu’Annette, qui portait en elle plus de richesse de foi qu’il n’y en a en un cent de dévotes, croyait qu’elle n’était pas religieuse : car elle confondait la religion avec le moulin à prières et ces cérémonies d’un exotisme désuet, luxe d’âme pour les riches, leurre des yeux et du cœur consolant pour les pauvre, qui assure les fondations de leur misère et de la société.

Depuis qu’elle avait cessé les pratiques religieuses, elle n’en avait jamais senti le besoin. Elle ne s’apercevait pas que lorsqu’elle avait ses fougueux élans de conscience, ses monologues passionnés, elle se disait la messe.

Elle ne songea pas à donner à son fils ce dont elle se passait. Peut-être même la question ne se fût pas posée pour elle, si — (paradoxe !) — Sylvie ne l’eût posée. Sylvie, qui n’avait pas plus de religion qu’un moineau de Paris, ne se serait pas crue mariée, sans le concours de l’Église. Et elle trouvait indécent qu’Annette ne fît pas baptiser son fils. Annette n’y pensait pas. Elle le fit pourtant, afin que Sylvie fût marraine. Puis, elle n’y pensa plus ; et les choses en restèrent là, jusqu’à l’arrivée de Julien. Que Julien eût la foi pratiquante ne la donnait pas à Annette, mais la lui rendait digne de respect et ramena son attention sur le problème qu’elle avait négligé : que devait-elle faire pour Marc ? L’envoyer à l’église ? lui apprendre une religion à laquelle elle ne croyait pas ? Elle le demanda à Julien, qui fut scandalisé : il affirma avec énergie la nécessité pour l’enfant d’être instruit des divines vérités.

— Mais si ce ne sont pas des vérités pour moi ? Il faudra donc que je mente, quand Marc m’interrogera ?

— Non pas mentir, mais laisser croire, si c’est dans son intérêt.

— Non, il ne peut être dans son intérêt que je le trompe. Et quelle autorité aurai-je, quand il le découvrira ? Ne sera-t-il pas en droit de me le reprocher ? Il