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enfant est trop souple et toujours sautillant. Une minute après qu’il avait fait le joli cœur et qu’il la ravissait par ses effusions, il ne se gênait pas pour trahir crûment son indifférence. Annette était déconcertée.

Il arrivait qu’elle n’y tînt plus de déception, d’agacement, surtout aux rares moments où un vague soupçon l’avertissait que Marc s’obstinait dans un rôle. Alors, avec sa violence, — (nous en demandons pardon aux pédagogues modernes) — elle le claquait nerveusement… Vraiment, elle allait contre tous les bons principes et la dignité de l’enfant ! Aux yeux d’une Anglo-Saxonne, la pauvre Annette se déshonore à jamais. Mais entre vieux Français, nous n’en sommes plus à un de ces déshonneurs près… « Qui bene amat… » L’adage fleurit toujours dans les familles bourgeoises, qui ont conservé quelque teinture du latin. Nous avons tous été « bien aimés ». Et nous jugions, au fond, comme le fils d’Annette, que les trois quarts du temps nous ne l’avions pas volé. Mais si, comme lui, nous n’en aimions pas moins celle qui nous claquait, les claques lui faisaient perdre, c’est vrai, un peu de son prestige. Avouons-le, c’était peut-être pour cela que nous — Marc et nous — les provoquions !…

Il avait beau jeu, après, pour faire la victime brutalisée. Et Annette se reprochait son abus de force. Elle se sentait fautive. Il lui fallait chercher à rentrer en grâce. Il l’attendait venir…

Triomphe de la faiblesse ! C’est une arme que les femmes sont expertes à manier. Mais la plus femme des deux était ici l’enfant. Cette jeune chair, encore toute baignée du lait maternel, est plus qu’à demi féminine. Et elle a de la fille les ruses et les roueries. Annette était désarmée. Auprès du petit fripon, elle était le sexe fort. Le stupide sexe fort, qui est honteux de sa force et cherche à se la faire pardonner. La partie n’était pas égale. Le petit la bernait.