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vouloir à cette chère figure, qui vous écoutait dire, avec un sourire désarmant ! Et puis, le charme secret de cette maternité… Sylvie la maudissait, comme une mauvaise chance. Mais elle était trop femme pour n’en pas être attendrie…

Et aujourd’hui encore, elle venait, décidée à bousculer Annette, à avoir enfin raison de sa stupide résistance, à l’obliger à demander le mariage, — sinon… « sinon, je me fâche !… » Elle entra, en coup de vent. Elle sentait la poudre de riz et de bataille. Et, pour se mettre en train, avant de dire bonjour, elle grondait contre cette folie de passer ses journées, enfermée dans le noir. Mais aussitôt qu’elle vit les yeux heureux d’Annette, qui lui tendait les bras, elle courut à elle et elle l’embrassa. Elle continuait de gronder :

— Folle ! La folle ! Archi-folle !… Avec ses grands cheveux sur son long peignoir blanc, elle se donne l’air d’un ange… Hein ! comme on serait trompé !… Sainte-nitouche ! Petit chenapan !…

Elle la secouait. Annette se laissait faire, d’un air las et content. Sylvie s’arrêta au milieu de sa chanson, lui prit le front entre les mains, lui écarta les cheveux :

— Elle est fraîche, elle est rose, jamais je ne lui ai vu d’aussi belles couleurs. Et cette mine triomphante ! Il y a de quoi ! Tu n’as pas honte ?

— Pas la moindre ! fit Annette. Je suis heureuse, comme je ne l’ai jamais été. Et si forte, si bien ! Pour la première fois de ma vie, je me sens complète, je ne cherche plus rien. Ce désir d’un enfant qui va être rempli date de si loin dans ma vie ! Depuis que j’étais enfant moi-même… oui, je n’avais pas sept ans… j’en rêvais déjà.

— Tu es une menteuse, dit Sylvie. Il n’y a pas six mois, tu me disais que jamais tu n’avais connu la vocation de la maternité.

— Tu crois ? J’ai dit cela, vraiment ? fit Annette,