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— Oui, maman…

Mais on s’apercevait ensuite qu’il ne tenait aucun compte de ce qu’on avait dit : il n’avait pas écouté… Il n’avait pas écouté ? Difficile à savoir !… Et il la regardait, pour voir ce qui allait se passer. Et elle le regardait… Ce petit sphinx !… D’autant plus sphinx qu’il ne savait pas qu’il l’était. Il ne se connaissait pas plus qu’Annette ne le connaissait. C’était le cadet de ses soucis ! À sept ans, on ne cherche plus et pas encore à se connaître, soi. Mais, en revanche, il cherchait à la connaître, elle, sa maîtresse et servante. Et il avait du temps pour cela, puisqu’elle l’enfermait avec elle, pendant des jours. Ils s’observaient mutuellement. Mais elle n’était pas de force ! Annette se trompait, en pensant qu’il ne ressemblait à personne de sa connaissance. Il avait dans l’esprit des analogies étonnantes avec le grand-père Rivière. Mais Annette, quoi qu’elle crût, avait fort mal connu son père. Il l’avait trop séduite pour qu’elle eût jamais vu le vrai Raoul Rivière. À peine quelques soupçons, surtout depuis la lecture de la fameuse correspondance. Elle n’avait pas voulu s’y arrêter. Elle préférait garder — même en les replâtrant — ses souvenirs pieux et tendres, un moment ébranlés. Et puis, elle n’avait connu que le Raoul dernière manière. Mais si le vieux Rivière avait pu revenir pour inspecter, comme il savait faire, le petit bâtard, il eût dit :

— Je recommence.

Il ne recommençait pas. Rien ne recommence jamais. Il revenait, en détail…

Jeux malicieux du sang ! Par-dessus la tête d’Annette, ils se donnaient la main, les deux compères. Et l’un des caractères les plus frappants que la franche Annette avait transmis du grand-père au petit-fils, était une aptitude remarquable à dissimuler ! Non par besoin de mensonge. Un Raoul Rivière avait assez de mépris bonhomme pour ses contemporains et se sentait assez fort,