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releva pas ; elle ne voulait pas en venir à la brouille.

Dans les semaines suivantes, la mauvaise humeur de Sylvie s’afficha : tous les prétextes lui étaient bons, le moindre désaccord dans la conversation, un détail d’habillement, un retard d’Annette au dîner, le bruit que faisait le petit Marc dans l’escalier. Plus de sorties ensemble. Si l’on avait convenu d’une promenade pour le dimanche, elle partait, sans prévenir, avec Léopold, prétextant, l’inexactitude d’Annette. Ou, au dernier moment, elle décommandait la réunion projetée.

Annette voyait que sa présence était à charge. Elle parla timidement de chercher un logement dans un autre quartier, moins éloigné de ses leçons. Elle espérait qu’on allait se récrier, la prier de rester. On fît semblant de ne pas avoir entendu.

Elle fut lâche, elle resta. Elle s’accrochait à cette affection, qu’elle sentait lui échapper. Ce n’était pas seulement Sylvie qu’elle ne voulait point quitter. Elle s’était attachée à la petite Odette. Elle supporta plus d’un froissement pénible, sans paraître les remarquer. Elle espaça ses visites.

C’était encore trop souvent pour Sylvie. Elle n’était certes pas revenue à son état normal. Une jalousie maladive la travaillait. Une fois qu’Annette innocemment jouait avec Odette, sans tenir compte d’un sec avertissement, que Sylvie lui avait intimé de cesser, Sylvie se leva irritée et lui arracha des bras la fillette. Et elle dit :

— Va-t’en !

Il y avait dans ses yeux une telle animosité qu’Annette, saisie, lui dit :

— Enfin, qu’est-ce que je t’ai fait ? Ne me regarde pas ainsi ! je ne peux pas le supporter. Tu veux que je m’en aille ? Tu veux que je ne revienne plus ?

— Tu as fini par comprendre, dit Sylvie, méchamment.

Annette pâlit. Elle cria :