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Il se faisait un travail singulier dans l’esprit de Julien. Il l’aimait — non, il la désirait toujours autant, — et qui sait ?… (Mais il ne voulait pas savoir…) — Bref, il la voulait toujours. Mais il était sûr maintenant que non seulement sa mère ne consentirait jamais à ce qu’il l’épousât, mais que lui-même ne s’y résoudrait pas. Pour beaucoup de raisons : rancune, vanité blessée, blâme moral, qu’en-dira-t-on, répulsion jalouse… Toutefois, il préférait ne pas insister sur ces raisons… « C’est bon, on vous connaît ! Mais ne vous montrez pas !.. » Son esprit arrangeait des expédients pour satisfaire à la fois ses raisons cachées et ses désirs… — Annette, dans le passé, s’était affirmée, en amour, femme libre. Il ne l’approuvait pas. Non ; mais enfin, puisqu’elle était ainsi, pourquoi ne le serait-elle pas encore, avec lui qu’elle aimait ?

Il ne le lui dit pas aussi crûment. Il allégua les impossibilités du mariage — (il en naissait de nouvelles, à mesure qu’elle les réfutait) : — obstacles insurmontables, opposition de sa mère, nécessité de vivre avec sa mère, sa situation gênée, Annette habituée à la richesse, au monde… (La pauvre Annette, réduite depuis deux ans à courir le cachet !..) la différence d’esprit et de tempérament… (Ce dernier argument surgit tout à la fin, à l’effroi découragé d’Annette, quand elle croyait avoir surmonté les autres…) Avec une mauvaise foi obstinée, Julien se dépréciait, pour mieux se différencier. Il y avait de quoi rire et pleurer ! C’était pitoyable, de le voir chercher tous les mauvais prétextes