souhaiter. Elle ne le pouvait pas. Ce que voulait Julien, non, ce n’était pas humain !
Elle lui dit tendrement :
— Je comprends que vous me jugiez, comme jugerait le monde. Je ne vous le reproche pas. J’admire les forces conservatrices et le rigorisme de leurs lois. Elles ont leur place dans l’ensemble, et, je le sais, leurs racines sont profondes dans votre race. Il est naturel que vous y obéissiez. Je les respecte en vous… Mais je ne saurais, mon ami, par tous les efforts de ma volonté, renier une action, même blâmée par tous, qui m’a donné mon enfant… Cher Julien, comment renier ce qui fut ma seule consolation, la joie la plus pure, peut-être, que le ciel m’accordera, de ma vie ?… Ne cherchez pas à la flétrir, mais plutôt, si vous m’aimez, partagez mon bonheur ! Il n’a rien qui vous fasse injure !…
Elle sentait, en parlant, qu’il ne comprenait pas ; elle l’irritait davantage. Et elle était navrée. Que faire cependant ? Lui mentir ? C’était trop déjà qu’elle eût examiné cette ressource humiliante… Mais laisser la lézarde s’élargir dans l’affection si chère ?… C’était comme si la déchirure s’étendait dans son cœur. — Elle était dans les transes, chaque fois qu’elle se retrouvait en face de Julien : qu’allait-elle aujourd’hui lire sur son visage ?…
Et lui, avec cette lâcheté des hommes qui sont certains d’être aimés, il en abusait ; il savait qu’il lui faisait du mal, et il le lui faisait. À son tour, il éprouvait son pouvoir. Et il tenait moins à elle, maintenant qu’il était sûr qu’elle tenait à lui…
Tout, elle comprenait tout ! Elle se désolait d’avoir livré sa faiblesse. Et elle continuait. Elle s’abandonnait à un sentiment superstitieux : si le destin voulait qu’elle fût la femme de Julien, elle le serait, quoi qu’elle dît ; quoi qu’elle dît, elle le perdrait, si c’était son destin…