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liation : son cœur chaud avait la faculté de s’ouvrir aux émotions des autres, comme si elles étaient siennes ; et de la honte de Léopold, elle rougit. Elle fit un mouvement vers lui, et dit :

— Levez-vous !

Il se releva ; et elle, instinctivement, recula de quelques pas. Il dit :

— Vous avez peur encore. Vous ne me pardonnerez jamais.

Elle dit, sèchement :

— Ne parlons plus. C’est fini.

Ils redescendirent le chemin. Annette, muette et glacée. Il avait peine à garder le silence. Il était mortifié, et il cherchait à se justifier. Mais il n’était pas très éloquent, le cher homme ! Il n’avait pas le style noble. Il répétait, avec colère :

— Je suis un saligaud !

Annette, encore bouleversée, réprimait un sourire. Son esprit en tumulte avait peine à se calmer. Elle ressentait à la fois l’écœurement et le burlesque de la scène. Elle n’avait pas pardonné, et elle était près de plaindre l’homme qui s’accusait piteusement à ses côtés. Il continuait de patauger. Elle l’écoutait avec rancune, compassion, ironie. Il s’évertuait à expliquer « cette saleté de folie, qui vous passe par le corps »… Oui, cette folie, elle la connaissait… Mais il n’était pas utile qu’elle le lui dît. Et il avait l’air si malheureux que, malgré elle, elle lui dit :

— Je sais. On est fou, parfois. Ce qui est fait est fait.

Ils continuèrent leur route, sans parler, le cœur lourd, tristes et gênés. Sur le point d’arriver au lieu où ils avaient laissé Sylvie, Annette fit un geste comme pour tendre la main à Léopold ; mais elle ne la tendit pas, et dit :

— J’ai oublié.