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n’avait pas eu le temps de se retourner, quand… Elle faillit tomber… Il l’avait étreinte. Brutalement empoignée, elle sentit sur sa nuque un souffle haletant, et une bouche avide lui baisait le cou, les joues. Raidie instantanément, s’arc-boutant, toutes ses forces inconnues de combat ramassées, du torse et de l’échine elle secoua avec fureur l’homme qui l’avait saisie ; elle brisa l’étreinte, et elle se retrouva face à face avec l’agresseur. Ses yeux flambaient de colère. Lui, ne lâchait point prise. Ils eurent une lutte rude de bêtes qui se haïssent. Rude et brève. Annette (l’instinct révolté lui prêtait une vigueur accrue) repoussa violemment l’homme, qui trébucha. Il resta devant elle, doublement humilié, soufflant, congestionné ; et ils s’observaient, le courroux dans les yeux. Pas un mot ne fut dit… Brusquement, Annette grimpa la pente du talus, par une brèche de la haie se coula de l’autre côté, et s’enfuit. Léopold, dégrisé, l’appelait. Elle se tint à vingt pas, et ne le laissa point approcher. Ils redescendirent le coteau, des deux côtés de la haie, conservant leurs distances, méfiants, hostiles, et honteux. Léopold, d’une voix altérée, suppliait Annette de revenir, lui demandait pardon. Annette faisait la sourde oreille ; elle entendait pourtant : la confusion de cette voix l’atteignait, à travers la barrière de sa rancune ; elle ralentit le pas…

— Annette ! suppliait-il, Annette ! ne vous sauvez pas !… Je ne veux pas vous poursuivre… Voyez, je reste ici, je ne m’approcherai pas… J’ai agi comme une brute. Je suis honteux, honteux… Injuriez-moi ! mais ne vous sauvez pas ! Je ne vous toucherai plus, même du bout du doigt… Je me dégoûte… Pardon, à genoux !

Il s’agenouilla gauchement sur les cailloux ; il avait l’air malheureux ; et il était ridicule.

Annette, qui l’écoutait durement, immobile, de profil, sans le regarder, jeta un coup d’œil de côté, vit cet homme humilié ; et elle fut pénétrée de cette humi-