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sante un peu, beaucoup, malgré tout, — ( « Le moins beau garçon du monde ne peut donner que ce qu’il a… Merci, mon bon Julien !… » ) — puis, un peu troublée. Elle se dit honnêtement qu’elle ne devait pas le laisser s’engager sur cette pente… Mais ça lui faisait tant de plaisir, à ce garçon ! Et à elle, ça ne faisait point de peine… Annette était sensible à l’affection ; elle l’était aux douces cajoleries, aux flatteries de la tendresse. Trop, peut-être. Elle l’avouait. L’amour, l’admiration qu’elle lisait dans les yeux lui étaient une caresse, qu’elle aimait à renouveler… Oui, elle en convenait, ce n’est peut-être pas très bien. Mais c’est si naturel ! Il lui fallait faire un petit effort pour s’en priver. Elle le fit. Mais elle n’eut pas de chance : tout ce qu’elle dit pour écarter Julien — (dit-elle tout, vraiment ?) — l’attira davantage… C’est une fatalité ! Il faut se résigner à la fatalité… Elle riait de soi, tandis que Julien, inquiet, se demandait si ce n’était pas de lui…

— « Hypocrite ! hypocrite ! Est-ce que tu n’as pas honte ?… »

Elle n’avait pas honte. Peut-on résister au plaisir d’un cœur qui vous est tout livré ? Cela éclaire vos journées. Et quel tort cela fait-il ? Quel danger ? Du moment qu’on est tranquille, maître de soi, et qu’on ne veut que le bien, le bien de l’autre !

Elle ne savait pas qu’un des chemins insinuants par où l’amour se glisse, est la tendre vanité de croire qu’on est nécessaire, — ce sentiment si fort au cœur d’une vraie femme, et où se satisfait son double besoin de bonté, qu’elle avoue, et d’orgueil, qu’elle n’avoue pas, — si fort qu’elle préfère souvent, quand elle a l’âme bien née, à celui qu’elle préfère, mais qui peut se passer d’elle, celui qu’elle aime moins, mais qu’elle peut protéger. Et n’est-ce pas l’essence de la maternité ? Si le grand fils, toute sa vie, restait le petit poussin !… La femme au cœur de mère, comme l’était Annette,