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La noce eut lieu, un jour d’hiver rayonnant. Selve emmena tout son monde dans le bois de Vincennes. De joyeuses parties s’organisèrent. Annette s’y mêla gaiement. En d’autres temps, le côté bruyant et un peu vulgaire de ces réjouissances lui eût été sensible. Il ne le lui fut pas, en ce moment. Elle riait avec ces braves garçons et ces vaillantes filles qui se donnaient cette journée de liesse entre leurs jours de labeur. Elle prit part à leurs jeux, et elle enchanta tout le monde par son entrain. Sylvie, qui l’avait connue froide et dédaigneuse, la regardait courir et s’amuser franchement. La voilà qui jouait au colin-maillard, les yeux sous le bandeau, rouge d’animation, bouche ouverte et riant, et le menton levé, on eût dit pour attraper au vol la lumière, les bras tendus en avant et les mains comme des ailes, marchant à grands pas, buttant, riant de plus belle !… Le beau corps vigoureux d’aveugle passionnée, qui va-t-il prendre ? qui le prendra ?… Plus d’un qui la regardait dut avoir cette pensée. Mais Annette ne semblait penser qu’à son jeu… Qu’avait-elle fait des préoccupations qui pesaient sur elle, hier ? et de son air soucieux, tendu, absorbé ?… Elle en avait, du ressort !… Sylvie s’attribuait le bienfait d’avoir réussi à distraire Annette de ses soucis, et elle s’en réjouissait. Mais Annette savait bien que la cause venait de plus loin. Elle n’était pas allégée de ses soucis, parce qu’elle riait à la noce. Elle riait à la noce, parce qu’elle était allégée…

Que s’était-il passé ? — C’était une chose étrange, et qui n’était pas l’œuvre d’un jour, bien qu’en un certain jour elle fût apparue.