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trop tendrement sa sœur, pour qu’il n’y eût pas quoique mélancolie à la voir s’éloigner davantage. Et ce n’était pas un spectacle agréable, cette jolie fille qui se donnait à cet homme un peu vulgaire… Annette avait eu pour Sylvie d’autres rêves. Mais de nos rêves, les autres n’ont que faire. Leur façon d’être heureux est la leur, non la nôtre. Ils ont raison…

Sylvie était satisfaite. L’affection de Léopold, l’admiration qu’il lui témoignait, touchaient sa vanité et, peu à peu, son cœur. Comme elle l’avait dit à sa sœur, elle appréciait le sérieux caractère de celui qu’elle avait choisi. Il serait un compagnon solide, pas gênant ; bien qu’elle n’eût pas l’intention d’abuser — (mais on ne sait jamais !) — elle était assurée de ne s’être point donné un comptable de sa conduite trop vétilleux. Léopold ne tenait pas à connaître le passé de Sylvie ; il lui faisait confiance ; et elle lui en savait gré. L’expérience de la vie n’avait pas laissé à Léopold beaucoup d’illusions, ni surtout d’intransigeance ; elle l’inclinait à prendre pour son usage et à accepter pour celui d’autrui, comme règle de conduite, un égoïsme cordial d’honnête homme sceptique, affectueux, pas exigeant, qui ne demande pas aux autres plus que lui-même ne peut donner.

Sylvie se trouvait, en somme, bien plus proche de lui que d’Annette. Elle aimait davantage Annette. Mais Annette homme — (elle le lui dit en riant) — elle ne l’eût pas épousée ! Non, non, ça aurait mal tourné !…

Selve lui inspirait toute sécurité. Cette impression reposante la dispensait de songer à lui : elle songeait à la noce, à la toilette qu’elle se ferait, à son futur ménage, aux grands projets de commerce. Et c’était un parfait contentement.