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maigrisse un peu) — je ne le mettrai sur le gril qu’autant qu’il sera nécessaire. Bien entendu, à condition que je n’aie pas à m’en plaindre ! Autrement, ce serait pain bénit de lui rendre son dû. Et je paye comptant. Je suis honnête marchande : je ne trompe mes clients que juste ce qu’il faut pour vivre. À moins qu’ils n’aient la prétention de me mettre dedans. Alors, je les y mets. Et comment !

— Dire, s’exclama Annette, qu’on ne pourra jamais obtenir qu’elle parle sérieusement !

— La vie ne serait pas tenable, fit Sylvie, si l’on devait dire les choses sérieuses sérieusement !


Léopold ne tarda pas à revenir ; et Sylvie ne le laissa pas languir. Elle eut vite fait le tour des positions de l’ennemi et reconnu, derrière ses travaux de défense, ses armes et bagages et ses approvisionnements, avant de se rendre à bon escient. Elle l’amena sans peine à ses propres projets. Jusqu’à son dernier jour, Léopold conserva l’illusion que c’était lui qui avait conçu l’idée de fonder la grande maison de couture : — Selve et Sylvie. —

Le mariage fut fixé au milieu de janvier, époque où le travail est un peu ralenti. Les semaines qui précédèrent furent un joyeux temps pour l’atelier. Léopold, radieux, régalait toute la bande, les emmenait au théâtre, ou au cinéma. Elles avaient toutes un tel besoin de rire ! Quand l’une d’elles se marie, c’est comme si elle amenait le mariage dans la maison. Et chacune des autres accueille le visiteur, en lui chuchotant :

— N’oublie pas ! La prochaine fois, c’est mon tour…

Annette fut gagnée par la joie générale. Au lieu d’en sentir plus vivement sa vie manquée, elle se demandait ce que ses peines étaient devenues. Elles avaient glissé, comme le long des hanches une chemise. Ô jeune corps ! Le chagrin ne te tient pas à la peau… Ce n’était pourtant pas que ce mariage l’enchantât. Elle avait aimé