Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/106

Cette page n’a pas encore été corrigée

elle faisait les yeux doux, qui ne disaient pas non, qui ne disaient pas oui, — parce que l’incertitude alimente l’amour.

Quand les sœurs se retrouvèrent seules, Annette dit à Sylvie :

— Ne joue pas trop avec lui !

— Pourquoi pas ? dit Sylvie, se mirant. L’enjeu en vaut la peine.

— Alors, c’est sérieux ?

— Très sérieux.

— Je ne te vois pas mariée.

— Bon ! je compte que tu me verras encore deux ou trois fois…

— Je n’aime pas que tu ries avec ces choses.

— Et de quoi rirait-on ? Espèce d’Armée du Salut l Allons, Madame Booth, — (elle prononçait : « Botte » ) — ne fronce pas tes beaux sourcils ! Je ne songe pas à changer, avant d’avoir essayé. Je me marie, pour que ça dure. Mais si ça ne durait pas, il faut savoir se résigner.

— Je ne suis pas inquiète pour toi, dit Annette.

— Vraiment ? Merci pour l’autre ! Il a fait ta conquête ?

— Il ne te vaut pas, Sylvie. Mais je ne voudrais pas que ce brave homme, un jour, tu le fisses souffrir.

Sylvie souriait, montrant les dents à son miroir :

— Souffrir ! Chacun fait souffrir l’autre, ce n’est pas une affaire ! Bien sûr qu’il souffrira !… Le pauvre homme ! Je voudrais être à sa place… Allons, ne t’inquiète pas de lui ! Crois-tu que je ne sache pas sa valeur, à mon Adonis ? Elle n’est pas éclatante, mais elle est de bon poids. Je m’y connais. Je n’irai pas le lui dire, parce qu’il ne faut jamais gâter les hommes : ce serait leur laisser croire qu’ils ont des droits sur nous. Mais pour moi, j’en tiens compte. Je n’aurais pas la sottise de me faire du tort, en lui faisant du tort. Et si je ne réponds pas de ne pas le faire enrager — (ce sera excellent pour qu’il