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à lancer. Elle était entourée, et, sans prêter attention à Selve, elle commença par distribuer ses sourires et ses malicieuses reparties à trois ou quatre jeunes hommes très épris. Puis, après qu’il eut amèrement dégusté cette grâce et cet esprit qui n’étaient pas pour lui, il s’aperçut brusquement qu’il était devenu l’objet de ses faveurs : elle ne parlait plus qu’à son adresse ; les autres ne comptaient plus. Il fut d’autant plus touché de ce revirement soudain qu’il l’attribua à son mérite personnel. De ce coup, il fut pris. Adieu ses résolutions !

À quelque temps de là, Sylvie pria Annette de lui tenir compagnie, le soir, après dîner, à l’heure où il n’y avait personne à l’atelier.

— Je t’ai demandé de venir, dit-elle, parce que j’attends quelqu’un.

Annette s’étonna :

— Eh ! qu’as-tu besoin de moi ? Ne peux-tu le recevoir seule ?

Sylvie, gravement, dit :

— Je trouve que c’est plus convenable.

— Voilà un accès de convenances qui a mis le temps à venir !

— Mieux vaut tard que jamais, dit Sylvie, pince-sans-rire.

— Tu me contes des balivernes. À d’autres !

Sylvie dit :

— Justement.

Annette la menaça du doigt :

— C’est à d’autres que tu en as ? Eh bien, qui est cet autre ?

— Le voilà.

Selve (Léopold) sonna. Il parut dépité de ne pas trouver Sylvie seule ; mais il fit bonne figure, en homme bien élevé. Il n’était pas facile de se montrer à son avantage, seul en face de deux jeunes commères, passablement inquiétantes, et qui étaient d’entente. Il se sentait