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ANNETTE ET SYLVIE 89

ils n’allaient pas loin, les rêves ! Ils tournaient tous en rond, comme cette mouche au plafond. Ils n’arrivaient même pas à terminer leur phrase. Ils répétaient vingt fois, d’une langue empâtée, une histoire, un projet, un souvenir d’atelier, d’amoureux, ou de chapeau. Au milieu, ils repiquaient une tête dans l’étang au sommeil…

— Mais dis donc, dis donc, Sylvie !… (elle protestait, en rêve)… Ce n’est pas une vie… Veux-tu sortir de là !

En entr’ouvrant un œil, elle apercevait sa sœur, qui se penchait sur elle, et elle faisait effort — (les mots passaient à peine) — pour dire :

— Annette !… Éveille-moi !

Annette disait :

— Marmotte !

et riait, en la secouant. Sylvie jouait à l’enfant :

— Oh ! ma petite maman, qu’est-ce que j’ai donc fait, pour avoir si sommeil ?

Le grand amour d’Annette se déversait en transports maternels. Assise sur le lit, il lui semblait que la chère tête qu’elle pressait contre son sein était celle de sa fille. Sylvie se laissait faire, avec de petites plaintes :

— Mais comment est-ce que je ferai pour me remettre jamais a mon travail, après ?